mardi 24 décembre 2013

Antirétroviral, monographie et générique

Soit l’antirétroviral A et D la dose que doit prendre le patient en une journée dans les infections à VIH.
Un mois de traitement par A coûte 220€.

A m’avait posé un petit problème il y a plus d’un an.
Il se prend à raison de D/2 * 2 fois par jour pour que le patient ait une meilleure tolérance du traitement, pour diminuer le risque d’éruptions cutanées.
Ce jour là, un patient se présente pour le renouvellement de son traitement.
Il le prend en une seule prise. J’ai beau expliqué plusieurs fois, il le prend en une seule fois.
Cela fait plusieurs années qu’il le prend ainsi et à ce moment là, je ne fais que lui expliquer la monographie telle que je la connais. Je pensais alors qu’il risquait de devenir résistant au traitement.
En m’informant plus tard, je découvre que A peut se prendre en une seule fois si le patient le supporte bien.

Deux mois après, A sort une nouvelle présentation
Des années après son utilisation, finalement, A peut se prendre en un seul comprimé LP.

A est génériqué sept mois après l’apparition de la nouvelle forme.
Oui, même les antirétroviraux sont génériqués.
Et pour ceux qui ont un doute sur le prix des génériques, notez le. A la sortie du générique, A Générique coûte environ deux fois moins cher, soit près de 110€.

Il y a quelques jours, un second patient se présente à la pharmacie à raison de D/2 : 2 comprimés qu’il prend en une prise unique.
Il ne veut pas du générique, parce qu’évidemment, ici la maladie est importante.
Pas d’explication possible.
Je ne m’occupe pas du dossier de la patiente. Je propose alors rapidement au patient la nouvelle présentation de A. Il doit faire le point avec le médecin prochainement. Il comprendra alors que le générique, c’est le même principe actif et… Enfin, j’espère.

Au moment de passer la commande, je me rends compte du prix de la nouvelle présentation : 280€.

En résumé :
1.     A coûtait 220€ / mois à la base.
2.   Juste avant d’être génériqué et de revenir moitié moins cher, on découvre que finalement A peut se prendre en une prise. Coïncidence ? Je ne sais pas. On change la galénique et pouf… le prix augmente de plus de 20%. Allez comprendre comment ce prix est négocié.
3.      Puis, on vous parlera du trou de la sécurité sociale, des médicaments qui coûtent de plus en plus chers, des génériques qui sont insuffisamment prescrits en France.
4.     Je me rends compte de la mauvaise (?) idée que j’ai proposée finalement. Même pour un mois. Et espère naïvement que le médecin rattrapera le coup.

lundi 23 décembre 2013

Traitement de l’arthrose et hypertension artérielle. Histoire de comptoir 1.



M. T., 52 ans, revient à la pharmacie pour renouveler son traitement.
Je le connais de vue puisqu’il passe souvent, mais je ne me souviens pas d’avoir dispensé son traitement. Pas récemment en tout cas.

Il présente son ordonnance :
-       Glucosamine ® : 1 / j.
-       AINS à libération immédiate ® : 2 / j.
-       AINS à libération prolongée ® : 1 / j.
-       Efferalgan 1g effeverscent ® : 2 / j.
-       IPP (Non substituable) ® : 1 / j.
-       Sartan + Hydrochlorothiazide ® (Non substituable) : 1 / j.
-       Bêta-bloquant en DCI : 1 / j.

Il demande à renouveler tout son traitement sauf la Glucosamine, antiarhrosique d’action lente.
Le médicament en question n’a qu’une efficacité modérée, je me dis que c’est une bonne chose que M. T. avale moins de médicament, donc pourquoi pas ?
Nous en profitons pour refaire le point sur son traitement. Il en ressort alors plusieurs points :

-       M. T. n’avait pas encore commencé son traitement au Glucosamine ®.

-       Les AINS sont en revanche utilisés sans interruption. Même en l’absence de la douleur, pour « éviter que la maladie ne progresse. D’ailleurs, le médecin n’a pas précisé « en cas de douleurs » ». Il a bien compris que l’IPP était en relation avec ces fortes doses d’AINS tous les jours. Nous évoquons rapidement l’action sur les antihypertenseurs… Pas plus.

-       Depuis tout ce temps que le traitement est prescrit et renouvelé, M. T. ignore la présence de sel en grande quantité dans l’Efferalgan effervescent… D’ailleurs « pourquoi le médecin ne lui a pas expliqué, ni la pharmacie ? ». Probablement parce qu’il a déjà beaucoup de médicaments, qu’il est difficile de tout avaler dirons-nous…
M. T. est jeune, il m’écoute et j’aime cela. Il comprend aussi que ce n’est pas la forme idéale par rapport à ses traitements antihypertenseurs et antiarthrosiques. Il veut bien essayer les petits comprimés d’Efferalgan 500mg. Nous ouvrirons la boîte ensemble pour voir qu’ils ne sont pas si gros que cela, bien au contraire… Il y a d'ailleurs des comprimés de Paracétamol encore plus petit.



-       (Et pour couronner le tout, j’arrive à substituer l’IPP.



Sérieusement, vous avez cru que j’avais le pouvoir de substituer quand le médecin marque « Non substituable » ? Non, c’est difficile mais pour le reste, je suis déjà largement satisfait. Et je me contente de cela pour cette fois.).

samedi 6 juillet 2013

Test de la vente des médicaments en ligne



Donc c’est fait.
En l’état actuel des choses, des milliers de médicaments à prescription médicale facultative sont disponibles en ligne. Qu’ils soient remboursables ou non par la sécurité sociale.
Allez comprendre quelle mouche a piqué Mme. Marisol Touraine ?
Et certains (la majorité ?) pharmaciens peuvent crier au scandale, rien à faire. Les petites pharmacies ne voient que leurs soucis augmenter.

J’ai, moi aussi, voulu essayer ce système, les risques, l’efficacité. Très objectivement.
Pour cela, je me suis rendu sur le site de la pharmacie de « caennard » qui a perturbé le modèle classique, auquel j’étais rattaché.

L’identification est parfaite : il y a l’adresse postale, le numéro de téléphone, les horaires d’ouverture, numéro d’enregistrement à l’Ordre des Pharmaciens, l’ARS et le site est sécurisé.
D’entrée, on me signale que la livraison se fait en 48h, sous réserve de disponibilité en stock, et pour 5,00€ TTC. C’est déjà une bonne chose. Ce qui limite déjà l’intérêt de commander pour avoir un bon prix, sauf si je me fais une liste de courses.
Rappelons que les prix de vente des médicaments doivent être les mêmes en ligne et à la pharmacie. Formulé autrement, le coût de la livraison, l’enveloppe, le temps consacré à la préparation est évalué à 5,00€ TTC.

La liste des courses, ça tombe bien. J’en ai une !
On va donc décrire le patient,  un homme de 55 ans, 70kg, 1,77m, asthmatique, diabétique, et hypertendu. Type de patient qu’on peut rencontrer souvent à la pharmacie d’officine.
Mettons comme traitement la Metformine (un antidiabétique oral), le Ramipril (un antihypertenseur) et ponctuellement la Ventoline (vous le connaissez sûrement celui-là).

Donc notre patient est arrivé sur ce site.
C’est déjà une bonne chose qu’il soit arrivé sur le site d’une vrai pharmacie.
Car le 1er problème est le risque d'acheter des médicaments de contrefaçons. Je ne m'attarderai pas sur cette partie là, bien qu'elle soit elle-même très importante.

Voici donc sa liste de course.
Il veut acheter :
-          Du Néo-Codion pour sa toux sèche
-          Du Codoliprane pour ses migraines
-          De l’Ibuprofène et du Paracétamol en lyoc pour son arthrose.

Patient classique, demande classique. Peut-être pas tout cela en même temps, quoique…
Au moment de commander le premier médicament, et avant même de m’identifier, on me fait signer une « décharge » : « J’ai lu la notice et je connais parfaitement ce médicament ».
Je ne lis même pas le 2ème point en pensant que ça annulerait la commande.
En fait, pas du tout. Il est bien possible d’avoir des renseignements supplémentaires :
« J’ai lu la notice mais je souhaite des conseils sur le médicament. »

La notice n’est pas très longue, et toutes les précautions à prendre par rapport aux traitements sont indiquées. Par exemple, dans le cas du Neo-Codion, les contre-indications suivantes sont mentionnées : « toux chez l’asthmatique, insuffisance respiratoire ». Mais qu’est-ce que c’est l’insuffisance respiratoire ?
En précautions d’emploi, il est mentionné que le sirop apport « 8,7g de saccharose par cuillère à soupe ». Cela semble plutôt assez clair.

Bien évidemment j’ai accepté la « décharge » sauf pour la Prontalgine.
Donc ma commande, je vais la bloquer à cet instant pour avoir plus d’informations sur ce médicament. Ou plutôt sur une de ces contre-indications. Je ne comprends toujours pas, en tant que patient, ce qu’est « l’insuffisance respiratoire ».
5h 20mn plus tard, bingo, je reçois la réponse à ma question :


 « Bonjour,
c'est une maladie du système respiratoire qui ne permet pas une bonne oxygénation du sang.
Cordialement »

Génial ! Me voilà bien avancé… Enfin, bref…
La réponse vient d’un pharmacien. Et après vérification, je confirme : c’était bien la signature d’un pharmacien adjoint.
On me demande une confirmation si la réponse est satisfaisante…
Allons-y. Continuons… On verra bien ce que ça donne. « Je suis satisfait et je clos la discussion »

Bon, jusque là, c’est des bricoles…
Il me faut valider maintenant les informations sur mon âge, mon sexe, ma taille et mon poids.
C’est fait.
Puis mes antécédents médicaux et mon traitement.
Je le fais minutieusement… Et puis je fais un « copier-coller » beaucoup plus simple, parce qu’il faut le compléter pour chaque médicament. A ce moment là, j’ai une bonne impression… Je sens que la pharmacie va sentir le « fake » ou tout du moins bloquer ma commande car il y a plusieurs points qui doivent être évoqués…
Mon dossier n’est pas encore payé et on me signale alors : « Vous recevrez un mail lorsque votre commande sera débloquée par nos pharmaciens. »

2h plus tard, je reçois un courriel.
Que va-t-elle me dire ?
« Honte à vous de vous moquer ainsi de nous ? »
« Nous bloquons votre commande en raison d’un risque pour votre santé. »
« Veuillez nous rappeler en mentionnant le numéro de votre commande. Nous souhaitons nous entretenir avec vous. »
« La répôôônse D »



Non. A vrai dire, rien de tout cela.
« Bonjour
Lors de la passation de votre commande, vous avez demandé des conseils sur des médicaments à nos pharmaciens.
Ayant approuvé leurs conseils, vous pouvez dès maintenant accéder au règlement de votre commande grâce au lien ci-dessous. ».

Je cours alors payer la modique somme de 15,47€ !
[Attention, là, je vais vous la jouer mode UFC-Que Choisir : je les ai payé de ma poche. Et à aucun moment, je n’ai fait intervenir la sécurité sociale, ni la mutuelle !].

Eurêka ! Au bout de 8h, ma commande est validée. Je devrais la recevoir sous 48h.
Au passage, en vrac, vu qu’aucun point n’a été évoqué par la pharmacie, signalons quelques uns. Je vous mentionne la gravité à « mon échelle ». Discutable bien évidemment.
1.       Le sirop était sucré mais je n’ai pas reçu d’alternative d’un sans sucre. Le fait qu’il soit sucré avait été mentionné initialement. Sur une courte durée, ce n’est pas dramatique… Mais dommage d’anéantir les efforts d’un patient.
2.       La dose totale de codéine remise au patient dépasse la dose maximale exonérée. C’est-à-dire qu’en théorie, une telle dose ne peut être attribuée au patient, en une vente. En pratique, une petite explication, du moins sur la redondance de la codéine aurait été la bienvenue. Car tout patient n’est pas DCI-ste. Bref il ne connaît pas forcément la composition du médicament, le nom "scientifique" même s’il en connaît l’utilité.
3.       Le patient peut encore tousser un petit moment si c’est le Ramipril qui le provoque. En effet, c’est un effet indésirable bien répertorié du médicament. Et à ce moment là, il aurait été plus raisonnable de consulter un médecin. Enfin, espérons que ce soit cela. Car il est tout aussi bien possible que ce soit :
4.       Une toux chez l’asthmatique…  Qui contre-indiquerait la codéine !
5.       L’Ibuprofène chez un patient qui signale être diabétique, et traité respectivement par Metformine et par Ramipril… On a un gros risque d’insuffisance rénale aigüe (entre autres).
6.       Sans oublier la potentielle redondance de Paracétamol et les risques hépatiques… Le surdosage pouvant être fatal.

Voici donc un petit résumé des points indispensables à aborder avec le patient.
Ce n’est en aucun cas une liste exhaustive.
Et bien qu’il soit difficile de revoir à chaque fois tous les points, le patient en connaissant souvent déjà quelques uns, je pense qu’il est inadmissible qu’une telle demande soit passée aussi facilement.

Bref, si je devais noter, ce serait 3/20.
Je vous rappelle que la pharmacie à laquelle je fais référence est leader dans ce nouveau marché. Que son titulaire revendiquait fièrement ses idées lors des salons de l’officine et même à la télévision.

Pour moi, il reste un « caennard » qui n’a fait que provoquer la dégradation d’un système déjà affaibli.
Les marges continuent de baisser pour les médicaments remboursables (peut-être que je vous mettrais un article là-dessus ce mois-ci), pourquoi casser les prix sur les médicaments où les autres pharmaciens gagnent leur vie ? Pour gagner combien ?
Est-ce rentable de proposer ce type de service pour 5€ ?

Et surtout le patient, est-ce vraiment un patient ou un client consommateur ?

Qu’en est-il de sa santé ?

Qui est le véritable gagnant de cette histoire ?

Edit: Vous êtes nombreux à lire cet article.
Donc je souhatais bien préciser que la commande a été annulée par la pharmacie le lendemain...
Les détails ici: