samedi 5 janvier 2013

Un sentiment de culpabilité


Lorsqu’une ordonnance étrangère arrive à la pharmacie, c’est toujours un moment difficile.
Il s’agit souvent de la prise en charge d’une maladie chronique, de type hypertension artérielle. Cela se gère plus ou moins bien . Lorsqu’on est en face de psychotropes, il n’y a pas à réfléchir, on refuse.

Et puis parfois il y a des demandes assez pointus. Il n’y en avait pas beaucoup en ville.
J’en voyais beaucoup pendant l’externat.

C’était souvent le cas des anticancéreux. Je refusais gentiment, en me disant que la personne avait un certain âge, ne pouvant rien faire d’autre.
En revanche, pour Said, 6 mois, c’était plus difficile de refuser.
Said habite évidemment loin, au "bled".
Said envoie son oncle cherche de l’Adixone.
En général, son oncle passe à la pharmacie d’officine. Il doit sans doute connaître un pharmacien à qui il a expliqué la pathologie rare de Said, les difficultés à s’approvisionner en médicament.

Mais voilà, 2012 était aussi le moment de la suspension des activités d’Alkopharm [1].
Il fallait faire venir des autres pays européens des médicaments indispensables : anti-épileptiques, antithyroïdiens et bien d’autres encore. Les médicaments n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché, il n’y avait d’autre solution que d’organiser la dispensation à l’hôpital.
Ainsi, l’Adixone était remplacé par le Florinef, qui n’avait ni le même dosage, ni les mêmes modalités de conservation. [2]
Et lorsqu’il me demandait de lui dispenser ce médicament, je ne pouvais plus me soustraire aux nombreuses procédures précédant cette dispensation.
Said en avait besoin. Ce médicament n’était pas fait pour soigner son rhume. Il souffrait d'une maladie bien plus grave. 
Mais il n’y avait aucune solution. Il a été orienté vers un hôpital pédiatrique, peut-être y a-t-il une issue de secours pour Said, une issue de survie.

Pour 2013, nous nous souhaitons les meilleurs vœux, une bonne santé.
J’espère que ce type de situation ne se reproduira pas. Ni pour Said, ni pour personne.